I am an institution

Description

Les tribus les plus proches sont souvent mal connues. Il en est ainsi des communautés enfantines. En grandes partie nous échappe ce qui, à l’intérieur de ces petits mondes, se passe entre les enfants. Nous distinguons assez bien les cercles qu’ils composent mais fort peu leur contenu.

Certes les sciences humaines et les sciences sociales nous enseignent beaucoup de choses sur l’enfant et sur l’enfance. Elles approchent l’enfant comme sujet individuel, et nœud de relations avec les adultes. Et elles étudient l’enfance en tant que classe d’âge, état distinct, partie de l’ordre global d’une société. Dans le présent ouvrage les acteurs ont voulu rappeler par leurs analyses conjuguées l’importance sociale et culturelle des vivantes communautés d’enfants, observées dans des lieux et des institutions variés : le jardin d’enfants, la cour de l’école, la rue, l’hôpital…

Les collectivités enfantines ont une vie et une culture qui leur sont propres : des pratiques, des techniques, des codes, des langages, qui se transmettent. L’attention portée à leur autonomie n’exclut pas que soient considérés leurs liens de conformité ou de contradiction avec la société qui les enserre. Les cultures enfantines sont créatrices : les communautés inventent et diffusent des jeux, des mots, des objets d’échanges, des rites, des manières d’être.

Les fonctionnements et les productions culturelles de l’enfance sont ici cernés non seulement dans les groupes étroitement structurés ‒ les instituts des enfants sourds par exemple ‒ mais aussi dans les ensembles étendus et diffus d’une classe d’âge et dans des conjonctures variées ‒ la fin du Moyen Âge, l’époque de la III^e République, la décennie présente… Dans ces lieux et moments sociaux différents les auteurs s’appliquent à montrer ce qui se joue, se crée, s’échange, se transmet entre enfants et ce que ceux-ci infusent dans la société des adultes dont ils sont à la fois les héritiers et les façonneurs.

À la diversité des espaces, des temps, des aspects de la culture qui sont considérés, répond la diversité des disciplines engagées. L’interrogation ethnologique a suscité l’exploration commune : à celle-ci ont concouru la sociologie, l’histoire, la linguistique, la psychologie sociale, la psychanalyse, les sciences de l’éducation. Ce livre, qui se veut d’abord d’invitation à l’enquête, s’adresse à ces spécialités concernées par un regard plus attentif sur l’univers d’interaction et d’originalité culturelle des sociétés enfantines, en même temps qu’à tous les adultes qui cherchent à comprendre ces étranges et passionnantes compagnies qu’ils côtoient.

Guy Barbichon