Je suis une institution

Description

Dans un article fameux paru en 1975, le regretté Michael Harsgor, a forgé le concept de « bâtardocratie » pour désigner un phénomène qu’il observa dans la France de la fin du Moyen Âge et qu’il décrivit comme « un puissant essor social et politique des enfants naturels engendrés par des pères appartenant à la noblesse ». Il mettait ainsi l’accent sur les rapports entre bâtardise et pouvoir et sur le rôle, souvent important, que les enfants illégitimes, liés non pas seulement à la noblesse mais aux élites en général, ont pu jouer au cœur des institutions ecclésiastiques, politiques, militaires et administratives, dans un contexte - tant moral que démographique - qui leur était momentanément favorable.

Cette réalité, d’autres chercheurs, avant M. Harsgor et après lui, l’ont également étudiée et mise en lumière, mais elle n’avait jamais encore fait l’objet d’un travail collectif permettant la confrontation de sources, de cas individuels ou non et de situations provenant d’aires géographiques diverses et fournissant les matériaux à une approche comparative. C’est cette lacune historiographique que les concepteurs et les auteurs du présent volume ont voulu contribuer à combler.

Les dix-neuf études contenues dans ce recueil couvrent un champ chronologique allant du XIII^e au XVI^e siècle et un espace géopolitique englobant les royaumes de France, de Navarre, d’Angleterre et d’Écosse, les principautés des anciens Pays-Bas, le duché de Lorraine, les seigneuries de la Maison de Savoie et le marquisat de Ferrare. Dans ce cadre, la relation entre naissance illégitime et exercice du pouvoir est envisagée sous différents aspects et selon les grands thèmes que sont le statut politique et juridique, la quête de la légitimation, les destins, les carrières, le mécénat, la bibliophilie, l’héraldique. Grâce à cet apport à la fois riche et varié se dessine une image plus nette d’un phénomène historique qui a sans doute atteint son apogée au XV^e siècle pour s’affaiblir au seuil de l’Époque moderne, quand se modifièrent la situation démographique, les conditions sociales et les exigences de la morale.

SOMMAIRE

Introduction. Bâtards et pouvoir : au thème de recherche
Bertrand SCHNERB

Jean de Bourgogne, bâtard de Jean sans Peur, évêque de Cambrai de 1439 à 1480
Monique MAILLARD-LUYPAERT

Corneille, bâtard de Bourgogne (ca 1426-1452)
Alain MARCHANDISSE

Des bâtards nobles au service du prince : l’exemple de la cour de Bourgogne (fin XIV^e-début XV^e siècle)
Bertrand SCHNERB

Les bâtards à la Chambre des comptes de Lille : autour du cas de Denis de Pacy
Jean-Baptiste SANTAMARIA

Les lettres de légitimation des ducs de Bourgogne (1384-1477)
Alice DUDA

La bâtardise au sein du lignage de Luxembourg
Céline BERRY

Bâtards et pouvoir dans le duché de Brabant XII^e-XIV^e siècles
Godfried CROENEN

Les bâtards dans l’Ouest au XV^e et au début du XVI^e siècle
Michel NASSIET

Les bâtards en Lorraine : emblèmes d’une culture politique ou trublions d’une société nobiliaire ?
Christophe RIVIÈRE

Les bâtards d’Armagnac (XIV^e-XVI^e siècles)
Emmanuel JOHANS

Un couple de bibliophiles dans le milieu royal : Louis, bâtard de Bourbon, et son épouse, Jeanne, bâtarde de France
Claire DECHAMPS

Jean, comte de Dunois et de Longueville (14032-1468), ou l’honneur d’être bâtard
Philippe CONTAMINE

Royal and Magnate Bastards in the Later Middle Ages: The View from Scotland
Alexander GRANT

The Royal Bastards of Late Medieval England
Michael HICKS

Les bâtards princiers piémontais et savoyards
Luisa Clotilde GENTILE

Les dangers de la bâtardise. Les péripéties de l’État seigneurial des Este entre XV^e et XVI^e siècles
Giovanni RICCI

Les bâtards royaux et la nouvelle noblesse de sang en Navarre (fin XIVe siècle-début XV^e siècle)
María NARBONA CÁRCELES

L’emblématique des bâtards princiers au XV^e siècle. Outil d’un nouveau pouvoir ?
Laurent HABLOT

L’art d’être bâtard. La bâtardise et la légitimation artistique à la Renaissance (Maisons de Bourgogne et d’Este, vers 1450)
Simona SLANICKA

Les bâtards et l’exercice du pouvoir : modalités spécifiques ou fenêtre étroite d’opportunité ?
Éric BOUSMAR